Nommée par décret en 2016 et démise de ses fonctions en 2022, Sayon Bamba laisse derrière elle, des actions plus concrètes à l’Agence Guinéenne de Spectacles. Après 5 ans de gestion « fastidieuse », la dame Sayon Bamba quitte la Direction générale de l’AGS avec le sentiment « d’avoir accompli la quasi-totalité des missions qui lui ont été assignées. » Alors, un bilan plutôt positif. Nous en parlons largement dans cet entretien exclusif qu’elle a bien voulu nous accorder. Lisez !
Parlez-nous de votre nomination à la tête de l’Agence Guinéenne de Spectacles ?
Quand j’ai été choisie par Fodéba Isto Keira (ancien secrétaire général du ministère de la Culture NDLR), chose qui a été validée par Siaka Barry (ancien ministre de la Culture NDLR), et tous les autres ministres qui ont suivi, je ne savais pas que j’allais relever les défis. Beaucoup pensaient que cela n’allait pas marcher. Parce que tout simplement, j’étais une femme. Ensuite, je ne vivais pas ici en Guinée. Je venais de la France. Je vous rappelle que je suis allée de l’autre côté où j’ai pu travailler dans le secteur culturel. Donc, revenir, ce n’était pas facile. Mais ce qui est sûr, quand je venais à l’AGS, c’était compliqué. Les acteurs culturels étaient malheureux. La sécurité du public n’était pas garantie pendant les spectacles. Les locaux de l’AGS étaient aussi dégradés et le personnel était vieillissant. Il n’y avait pas assez de jeunes. Alors que c’est une structure dynamique. Des hommes qui voulaient juste prendre leur salaire et puis, ne pas venir au travail.
Voulez-vous nous faire savoir que la tâche a été très difficile ?
Oui, croyez-moi, la bataille a été rude. Mais quand on a la mission de l’État, ce n’est pas l’aspect facilité qu’il faut regarder. Il faut oser taper quelquefois dans le mur, être parfois détesté pour que plus tard, il y ait des résultats.
Concrètement, qu’est-ce qui n’allait pas dans le secteur du spectacle vivant en République de Guinée ?
Avant, il n’y avait pas de contrôle sévère sur les événements. Une fois que les spectateurs payaient, on les abandonnait à eux-mêmes. Donc, même s’il y avait mort d’homme, il n’y avait pas de répondant pour dire ce qui s’est réellement passé.
Justement, qu’avez-vous fait pour renverser la tendance ?
Quand nous sommes arrivés, nous avons fait de telle sorte qu’il y ait des rapports sur chaque événement. Et ça, c’est acquis. Chaque événement a pu être contrôlé par quelqu’un de l’AGS et c’est important.
C’est vrai que tout n’a pas pu être fait. Il y a beaucoup de choses qu’on n’a pas pu réaliser du fait qu’on n’avait pas de subvention et que les caisses étaient vides. Je suis contente. On a un budget qui a été voté de 500 millions de francs guinéens comme subvention qui va tomber.
Pensez-vous avoir balisé le chemin à votre successeur ?
En réalité, cette nouvelle direction n’a rien à faire, si ce n’est de programmer les dépenses et continuer les œuvres et innover toujours. On a laissé des factures qui doivent être encaissées bientôt. On sort du SICTA (Salon international de la culture et du tourisme NDLR), malheureusement j’aurais aimé que notre actif soit encore plus fort. Parce que, si vous contrôlez les factures, l’argent va arriver, mais du fait qu’on sort d’une activité qui s’appelle SICTA, on a énormément dépensé pour faire la promotion de notre agence. Cela dit, les subventions n’ont pas été touchées, et c’est positif. On s’en félicite. On est toujours à la disposition de l’État pour répondre.
Y a-t-il d’autres actes positifs posés par votre Direction ?
Nous avons fait les « Vox Africa Guinea Urban Tour ». C’était une émission en faveur des spectacles. Parce que, l’idée, c’était comment faire voyager les spectacles guinéens à l’international. Il y a la problématique liée à l’obtention des visas. Les artistes guinéens ont du mal à avoir des visas. Un artiste qui fait sa création, belle qu’elle soit, s’il n’a pas de lieux de diffusion, ça ne sert à rien. Les artistes guinéens font le Palais du Peuple ou quelques salles, et ça s’arrête là. C’est bien dommage !
« Vox Africa Guinea Urban Tour » faisait la promotion des spectacles guinéens. On se disait que cette chaîne de télé (Voxafrica) qui était diffusée dans 5 continents, permettrait aux artistes guinéens de bénéficier d’une large visibilité. En exemple, cela a été salvateur pour Les Sorciers de Papa Kouyaté et d’autres groupes dont un qui a été repéré par la ville de Bahia (Brésil). Les membres ont bénéficié d’une invitation pour participer au festival du Carnaval de Bahia en 2018.
Nous avons également accompagné Fatoumata Kouyaté « Djeliguinet » lorsqu’elle devait participer à « L’Afrique a un incroyable talent ». Nous avions mis les moyens. Nous l’avons aussi accompagné lors de son voyage au Canada. Il y a aussi Sow Bailo qui a fait sa dédicace et l’AGS a acheté des tickets pour encourager l’humoriste. Puisqu’au-delà de la réglementation, l’Agence Guinéenne de Spectacles à l’obligation de promouvoir les spectacles et d’aider les différents opérateurs.
Nous avons fait dernièrement une « Journée portes ouvertes » à l’AGS. Pendant deux jours, nous avons pu faire une sorte de diagnostic de la profession d’Entrepreneur de spectacles. Nous avons participé au SICTA. Nous avons représenté la Guinée au festival MASA (le Marché des arts et du spectacle d’Abidjan NDLR). C’est avec beaucoup de fierté que nous avons suivi Fatoumata Kouyaté et qu’on a continué à suivre. Aujourd’hui, elle a signé avec une nouvelle maison. A la 12e édition du MASA, elle a reçu le trophée du « Meilleur spectacle ».
A votre arrivée à l’AGS, quelle était la situation administrative des organisateurs de spectacles ?
Quand nous sommes arrivés, il y avait 35 spectacles déclarés au compte de l’année 2016. Il y avait une trentaine ou une vingtaine d’organisateurs d’événements. Aujourd’hui, il y en a plus de 100 en termes de fichier à l’AGS. Le nombre est parti à la hausse parce qu’ils en ont confiance du fait que nous ne les surfacturons pas le travail. C’est certain que la Directrice que je suis, ne peut être évaluée financièrement. Puisqu’il y a un travail d’investissement important à faire pour la corporation, pour qu’ensuite, cela soit rentable pour l’État. Mais, je pense qu’il faut encore faire cet effort financier pour asseoir la profession avant de pouvoir avoir des bénéfices conséquents.
L’autre apport dont nous sommes aussi très fiers, c’est que nous avons permis aussi aux tout-petits de faire des organisations. Il faut diversifier le monde du spectacle. Permettre aux petits d’exister, aux grands d’exister, parce que c’est ça la nation. Ce n’est pas un club privé.
Nous avons aussi salué la venue d’autres formes d’activité. C’est sous notre direction qu’on a pu accueillir des activités comme « Magic Park ». Nous avons ensuite accordé des vrais shows avec à des stylistes comme Alpha’O (RIP) qui a pu faire son festival et pouvoir le labelliser.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Les difficultés sont parfois politiques dans la mesure où quand on a un élan de faire un papier, d’innover et quand les signataires tardent, par exemple cet échec de la mise en place d’un Conseil d’Administration, c’est une véritable défaite pour moi.
Tout de même, je suis fière de mon équipe. Puisqu’au bout de 4 années de bataille, nous avons pu avoir un vrai SAF (Service administratif et financier NDLR) qui est arrivé du Budget. Le SAF n’est arrivé qu’au mois de juin de l’année dernière. C’étaient des vraies difficultés pour nous. Parce que, le ministère nommait les SAF au lieu du budget. Donc, cela freinait pas mal de choses au niveau de l’administration. Nous venons d’avoir la nomination de notre contrôleuse financière.
Dès l’avènement du CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement NDLR), la première demande a été de faire en sorte que le pool financier soit doté des personnes ressources, fiables pour effectuer ce travail.
Avez-vous un message pour finir notre entretien ?
J’invite les jeunes à aller dans les spectacles. Car, cela leur permettra de ne pas aller dans les rues ou d’être dans les manifs. Ce sont des programmes comme ça qu’il faut favoriser au niveau des spectacles et que les artistes soient toujours dans une démarche de paix, de dialogue et de cohésion sociale.
Entretien réalisé par Ibrahima Bah