Sékou Oumar Barry est un acteur majeur et témoin oculaire de l’évolution du 7ème art en Guinée. Il a beaucoup voyagé grâce à son art. Partout, il s’est illustré à travers ses films et documentaires qui valent le détour. Cette grande figure de proue de la culture guinéenne a même raflé cette année, le prix de Meilleur Réalisateur à la 11ème édition du Top 5 Guinée du journal Podium Magazine. L’octogénaire a accordé récemment une interview à notre rédaction au cours de laquelle, il revient sur les temps forts de sa carrière et sa lecture du cinéma guinéen. Ceci est une exclusivité. Lisez plutôt !
Parlez-nous de votre début dans le cinéma
Après mes études à Yougoslavie où j’ai fait l’Institut Supérieur de Cinéma de Belgrade, je suis rentré en Guinée. A l’époque, il n’y avait qu’une seule structure cinématographique. Ainsi, j’ai été affecté en tant que fonctionnaire au Syli Cinéma qui dépendait du Ministère de la Direction de Service de l’Information, et c’est là, ma carrière a commencé en 1965.
Comment le cinéma guinéen se portait à cette époque sous le régime Ahmed Sékou Touré ?
Le cinéma guinéen était bien structuré conformément aux idéaux de la révolution. Parce que c’était un cinéma d’État. C’était comme toutes les entreprises étatiques qui jouissaient d’une certaine organisation.
Justement, parlez-nous un peu du Syli Cinéma
C’est en 1967 que Syli Cinéma a été érigé en entreprise qu’on appelait Syli Cinéma. Ainsi, d’une direction générale à une division, et d’une production à une division de distribution d’exploitation et une division photographique. C’était un cinéma d’État, et nous étions tous des fonctionnaires. C’est seulement en 1984 pendant la deuxième République qu’on a libéralisé le cinéma et les problèmes du Syli Cinéma ont ainsi commencé.
Nous étions des fonctionnaires et tout d’un coup, on nous a libéré. Alors, ce n’était plus facile, tout a changé directement de réforme en réforme. C’est comme ça on n’est allé créer l’ONACIG (Office National du Cinéma, de la vidéographie et de la Photographie de Guinée).
Parlez-nous des grands moments de votre carrière ?
Mes premiers pas dans le cinéma, j’ai fait un documentaire intitulé « Koundara grenier à Riz ». Ensuite, j’ai fait un autre sur l’assainissement de la ville de Conakry en 1966. En 1967, j’ai fait un moyen-métrage qui est un film de fiction adapté à une pièce de théâtre d’Émile Cissé, le titre en français c’est « JALOUSIE ».
En 1968, j’ai fait le film « Et Vint la Liberté » dans le cadre du 10ème anniversaire de l’Indépendance de la Guinée. J’ai également fait un documentaire sur le Nimba pour expliquer le sens authentique de ce masque dans le Bagataye. A l’époque, on faisait souvent des films circonstanciels surtout ceux de reportage sur les activités de la révolution.
Quel est votre regard actuel du cinéma guinéen ?
Le cinéma guinéen boite. Je sais qu’il y a des bons cadres aujourd’hui, parce qu’on en a formé. Mais il faut trouver maintenant un chemin pour pouvoir aider ces gens-là à avancer. Le cinéma est un métier très complexe, c’est des métiers dans des métiers, car, il faut plusieurs spécialistes dedans. Dans ce cas, il faut nécessairement un certain accompagnement de l’État. C’est comme ça que le Burkina Faso a réussi. Parce que, là-bas, le cinéma est soutenu par le gouvernement.
Il faut nécessairement essayer de trouver une piste pour que le cinéma guinéen aussi évolue. Il y a des gens qui font des films, ils se débrouillent mais, ils ont besoin de plus de moyens financiers et matériels pour progresser. Sachez une chose, le cinéma c’est les moyens, s’il n’y a pas les moyens, ça sera du bricolage.
Si ont veut faire un film de qualité, il faut y mettre le prix. Il est facile de coller les images les unes après les autres mais, ce n’est pas ça réellement le professionnalisme. Le cinéma c’est quelque chose de pensé et exécuté pour lancer des message, et les messages, on ne les lance pas n’importe comment. Il faut les lancer de manière à ceux qui les regardent en profitent. Et c’est ça la force du cinéma. Les images sont plus efficaces dans la communication que tout le reste. Donc, il faut vraiment encadrer les acteurs.
La plupart des cinéastes se plaignent souvent des difficultés de trouver des bailleurs de fonds. Selon vous, qu’est-ce qu’il faut ?
Il faut que les cinéastes eux-mêmes s’organisent solidement. Si je demande l’intervention de l’Etat à travers la subvention, c’est parce que c’est la base. Ainsi, quand tu as un film à faire, tu cherches le financement, tu t’adresseras à un promoteur, mais il te demandera toujours qu’est-ce que tu as ?
Il faut nécessairement un encadrement et une certaine intervention de l’Etat dans le développement du cinéma. Cela facilitera l’intervention extérieure qui est indispensable pour la production d’un film.
Quels sont vos conseils à l’endroit des jeunes cinéastes ?
A la jeune génération, je dirai que le cinéma, ce n’est pas une précipitation. C’est un métier qui tente vite les gens mais, il est très difficile de l’exécuter. C’est pourquoi il y a le cinéma de reportage pour les actualités, le cinéma de l’éducation, le cinéma de distraction et même les films de comédie.
Une fois que ça dépasse le stade de reportage, il faut préparer un message. Donc, il faut très bien le concevoir. C’est pour cela, il faut aller sans se précipiter : de la conception, c’est-à-dire, de la rédaction du scénario acceptable, jusqu’à la production, la finition.
Quel est votre mot de conclusion ?
Je veux dire aux futurs cinéastes que c’est la formation qui est à la base de tout. Le cinéma touche à tous les secteurs. Le cinéaste est appelé à créer, et pour créer, on ne se lève pas un beau matin comme ça, dire qu’on est créateur. Il faut avoir une structure de base pour pouvoir enrichir et animer son sujet. Il faut chercher toujours le moyen le plus efficace pour communiquer. Il y’a plusieurs phases qui sont très difficiles, parce qu’il y’a aussi des films classiques.
Merci Doyen, d’avoir répondu à toutes nos questions.
Je vous remercie aussi.
Propos recueillis par Bintou Condé pour GCM.COM