Près d’un demi-siècle après sa disparition tragique au Camp Boiro, Fodéba Keita, reste toujours dans la mémoire des guinéens à travers ses œuvres dont l’hymne national ‘’Liberté’’.
A l’occasion de l’anniversaire de sa mort (27 mai 1969), la rédaction de Guinée Culture Magazine publie pour ses lecteurs un article de RFI qui parle de la biographie de ce grand homme de culture et partisan de l’indépendance de la Guinée 2 octobre 1958.
Le Guinéen Keïta Fodéba fut un homme d’une grande créativité artistique, un homme au destin tragique, un homme très controversé et qui a marqué son temps. Né à Siguiri le 19 janvier 1921, fusillé le 27 mai 1969 par le régime du président Sékou Touré, un régime politique que Fodeba Keïta a pourtant servi.
Keïta Fodéba fut un homme politique, dramaturge, compositeur, chorégraphe, poète et écrivain. Après l’école primaire de son village, Keïta Fodéba entre en 1937 à l’EPS (Ecole Primaire Supérieure) de Conakry. En 1940, il est à l’Ecole normale William Ponty (Sénégal) d’où il sortira instituteur en 1943. Il enseigne successivement à Tambacounda et à Saint-Louis du Sénégal. A la fin de l’année 1948, Keïta Fodéba arrive en France et s’inscrit à la Faculté de droit de Paris. Après l’obtention d’un premier certificat, il décide de se consacrer au théâtre en 1948. Mais bien vite, il réalise qu’à travers cet art, il lui sera difficile de se faire comprendre en dehors des pays francophones. La même année, il fait alors venir à Paris son compatriote et très célèbre guitariste, arrangeur et interprète Kanté Facelli avec qui il fonde, en compagnie du chanteur camerounais Albert Mouangué, l’Ensemble Fodéba-Facelli-Mouangué. En 1949, il lance le Théâtre Africain de Keïta Fodéba. Puis il retourne en Guinée où il fonde lesBallets africains de Keïta Fodéba en 1950, et Les Ballets Africains de la République de Guinée après l’indépendance du pays, le 2 octobre 1958.
Keïta Fodeba publie un recueil de Poèmes africains (1950) et un roman intitulé Le Maître d’école (1952). Ses poèmes anticolonialistes avaient été interdits en AOF-AEF à partir de 1951. Que ce soit pour la scène ou pour l’écriture de ses poèmes, l’écrivain doit faire des allers et retours constants entre la pensée européenne et la pensée classique africaine. Difficulté supplémentaire, il est ici question de traduire la pensée poétique africaine.
Pourquoi le ballet, et pourquoi les ballets africains ? Il s’agit avant tout de montrer chez les Mandingues l’importance fondamentale du chant, de la musique et de la danse. Ainsi donc, en intégrant chanteurs, chanteuses, danseurs, danseuses et acrobates, la troupe désire offrir au monde entier l’expression traditionnelle des valeurs culturelles, morales et intellectuelles de la société africaine. Parce que la danse, c’est plus qu’une succession de gestes.
Nous abordons maintenant la phase difficile, il s’agit de l’action politique de grand artiste guinéen et de sa fin tragique. En effet, engagé politiquement, il rejoint Sékou Touré en 1956. En 1961, il est nommé ministre de la Défense nationale et de la Sécurité, chargé de découvrir et de réprimer les complots (véritables ou supposés) dont Sékou Touré pourrait être victime. Accusé lui-même de complot en 1969, avec son petit frère Bakary Keïta et bien d’autres personnalités, Keïta Fodeba est arrêté et incarcéré au camp Boiro à Conakry, qu’il aurait lui-même contribué à créer. Soumis à la « diète noire » (privation d’eau et de nourriture), le co-auteur de l’hymne national de la Guinée, avec le Français Jacques Cellier, est fusillé le 27 mai 1969. La face la plus macabre de cette affaire, ce sont les mots du supplicié qui le disent.
« J’ai toujours œuvré pour l’injustice. J’ai toujours servi cette cause injuste. Pour servir cette cause injuste, j’avais inventé des complots afin de pouvoir faire liquider tous ceux qui étaient susceptibles d’exprimer la volonté du peuple de la Guinée martyre. »
En 1965, sort le recueil de textes, Aube Africaine. Ce recueil contient les deux textes les plus forts et les plus politisés de l’auteur, Minuit et Aube africaine. Dans Minuit, l’artiste guinéen évoque l’occupation française « au cœur du vieux Manding ». Alors que dans Aube Africaine, il raconte les pérégrinations de Naman, le héros assassiné à Thiaroye par les militaires français. Cette tragique affaire de Thiaroye donnera matière à un film de Sembène Ousmane, Le camp de Thiaroye, et sera le sujet d’une pièce de Boubacar Boris Diop Thiaroye terre rouge, publiée en 1981.
Source : RFI