Le milieu artistique guinéen a besoin du réaménagement. Il y’a urgence ! Actuellement, quand on parle de stars en Guinée, la tribune est si vague que la plupart des artistes se résument à une célébrité très simpliste partagée entre les studios d’enregistrement et le réseau social guinéen en quête de buzz sordide.
Et pourquoi s’accrochent-ils- toujours aux mêmes totems ? C’est comme un aveugle qui marche sur sa canne. Toujours les mêmes histoires que l’on ressasse. La portée des œuvres artistiques dans ce milieu souffre d’authenticité et surtout d’un point de vue ancrage dans le socle culturel du terroir.
C’est pourquoi, cette nouvelle génération people 2.0 a du mal à se frayer un chemin dans la globalité pour afin laisser place à une grande icône que tout le monde peut aduler comme notre porte-étendard culturel.
Par ricochet, les consommateurs des œuvres musicales souffrent à tel point, que les maisons de disques ont fermé. La quasi-totalité des albums ne servent plus à rien en termes de contenu. Sur un album, du premier titre au dernier, ce ne sont que des éloges pour le gagne-pain. Une musique de ragots, des chansons dédiées aux gens pour avoir de quoi survivre.
Tandis que dans les autres pays, tout marche convenablement, comme le Nigeria, où l’industrie musicale se professionnalise et impacte l’humanité. Leurs musiques urbaines se façonnent au rythme du pays et embrassent le monde. Wizkid, Davido, Yemi Aladé ou encore Burna Boy, en sont une illustration parfaite.
La musique guinéenne occupe quelle place aujourd’hui dans le monde ? Pourtant dans les années 60’ et 70’, notre pays a constitué un panthéon de la création artistique panafricaine avec des orchestres nationaux et ballets hors pairs.
C’est parce que tout simplement, les artistes actuels du pays se sont entièrement laissés influencer par les tendances sans originalité. D’aucuns diront que la musique n’a pas de frontières. Oui, c’est vrai. Mais l’universalité passe forcément par un brin d’originalité. Prenons l’exemple sur la musique congolaise, le « Ndonbolon » ou la « Rumba » résiste encore au temps et s’abreuve tous les jours de nouvelles tendances urbaines pour faire danser le monde. Autre exemple : la Côte d’Ivoire pas loin de nous, avec son « Zouglou » et son « Coupé Décalé ». Depuis combien d’années ces genres musicaux sont créés? Ça fait des lustres, mais ils restent toujours l’identité musicale de ce pays d’Alpha Blondy, et les peuples du monde fredonnent avec, grâce à Magic System, feu Douk Saga, DJ Arafat et compagnie.
Contrairement à la Guinée où de nos jours, seuls quelques artistes guinéens ont compris ce petit secret comme Soul Bang’s. Ce jeune a fait de l’authenticité, sa boussole depuis un certain temps. Son album « Yelenna », le plus abouti de sa discographie et une signature particulière qui allie une fusion entre musique du terroir guinéen et les rythmes urbains, Soul et RnB. Et voilà sa carrière progresse considérablement et il rafle partout, des prix honorifiques. Alors, que les autres artistes guinéens se réveillent. Et qu’ils sachent qu’au-delà, de leurs histoires d’infidélité, d’adultère, de sex-tape, d’égoïsme, de vanité, de haine ou de conflits bidons, qu’il y’a mieux à faire.
Un manque de structure et de cadre pour les artistes
La Guinée est aujourd’hui, le rare pays qui ne dispose pas d’une véritable association d’artistes digne de ce nom. Les premières formations avaient vite connu un déclin si honteux. L’on se rappelle encore du fameux « Collectif des Artistes Guinéens » chaviré aussitôt à cause d’une histoire de leadership et d’argent. L’artiste 2 Diaby à l’époque avait mis nue, toute la magouille qui y tournait. Après, l’on a assisté à la mise en place du collectif « Wonkhai 2020 » qui a aussi vite coulé. Tout le monde sait ce qui s’est passé dans cette affaire. C’était un vrai film de cowboys.
L’unique association qui résiste aux intempéries reste l’UNAMGUI (Unité Nationale des Artistes et Musiciens de Guinée) mais qui malheureusement, est aussi colonisée par le pouvoir en place. Une pire association de propagande taillée sur mesure pour les bamboulas du Chef. La honte ! Pourtant, il y’a des choses à défendre comme la construction d’un palais de la Culture, des espaces de production et de diffusion.
Que faut-il comprendre ?
Le pire. Combien d’artistes guinéens sont bien structurés ou qui disposent de vrais Managers ? Nombreux artistes font cumul de fonctions quand il s’agit de signer des contrats. Ce qui n’imprime guère le respect et la considération aux yeux des partenaires. C’est humiliant !
Combien d’artistes guinéens connaissent un réseau professionnel de booking, de management, de tourneur ou de digitalisation ? Ils sont très peu dans ce sens. Dommage !
Le secteur artistique guinéen est devenu pitoyable. Ses acteurs versés dans l’ignorance, chacun gère son gombo, et l’égoïsme bat son plein. C’est comme une guerre entre démons et sorciers ou un panier de crabes.
Dans une interview de Didier Awadi à Conakry, le célèbre rappeur disait, je cite : « Au Sénégal, les artistes ne s’aiment pas, mais, quand il s’agit de l’intérêt de la culture, tout le monde se donne la main. C’est pourquoi chaque année, l’État sénégalais alloue une grosse subvention pour les artistes ». N’est-ce pas un bon repère pour les artistes guinéens afin de se tirer de leur trou à rat ?
F. Syta Camara